Théorie de Picard-Lefschetz

En mathématiques, et plus précisément en analyse complexe, la théorie de Picard-Lefschetz est un ensemble de techniques permettant d’étudier la topologie des variétés complexes à l'aide des points critiques de fonctions holomorphes définies sur la variété. Elle fut construite en 1897 par Émile Picard pour les surfaces (les variétés de dimension 2)[1], et étendue aux dimensions supérieures par Solomon Lefschetz en 1924[2]. C'est un analogue complexe de la théorie de Morse, laquelle utilise les mêmes techniques pour étudier les variétés réelles. Pierre Deligne et Nicholas Katz ont encore étendu la théorie à des variétés sur des corps quelconques[3], et Deligne a utilisé cette généralisation dans sa preuve des conjectures de Weil en 1974.

La formule de Picard-Lefschetz

La formule de Picard-Lefschetz décrit la monodromie autour d'un point critique.

Soit f une fonction holomorphe définie sur une variété projective complexe de dimension (k+1) et à valeurs dans la droite projective P1. On suppose que tous ses points critiques, d'images x1,...,xn dans P1, sont non dégénérés et sont dans des fibres distinctes. Si x est un point de P1 distinct des xi, le groupe fondamental π1(P1 – {x1, ..., xn}, x) est engendré par des lacets wi autour des points xi, et pour chaque point xi il y a un cycle évanouissant dans le groupe d'homologie Hk(Yx) de la fibre en x (il s'agit du groupe médian, puisque la fibre est de dimension complexe k, donc de dimension réelle 2k). L'action de la monodromie de π1(P1 – {x1, ..., xn}, x) sur Hk(Yx) est alors décrite par la formule de Picard–Lefschetz (les actions sur les autres groupes d'homologie sont triviales) ; plus précisément, l'action d'un générateur wi du groupe fondamental sur γ {\displaystyle \gamma }  ∈ Hk(Yx) est donnée par

w i ( γ ) = γ + ( 1 ) ( k + 1 ) ( k + 2 ) / 2 γ , δ i δ i {\displaystyle w_{i}(\gamma )=\gamma +(-1)^{(k+1)(k+2)/2}\langle \gamma ,\delta _{i}\rangle \delta _{i}} ,

où δi est le cycle évanouissant correspondant à xi[4].

Exemple

Soit la famille projective de courbes hyperelliptiques de genre g {\displaystyle g} définies par

y 2 = ( x t ) ( x a 1 ) ( x a k ) {\displaystyle y^{2}=(x-t)(x-a_{1})\cdots (x-a_{k})} ,

t A 1 {\displaystyle t\in \mathbb {A} ^{1}} est le paramètre et k = 2 g + 1 {\displaystyle k=2g+1} . Ces courbes sont dégénérées pour t = a i {\displaystyle t=a_{i}} . La courbe étant (topologiquement) une somme connexe de g {\displaystyle g} tores, la forme d'intersection sur H 1 {\displaystyle H_{1}} d'une courbe générique est donnée par la matrice

[ 0 1 1 0 ] g = [ 0 1 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 0 1 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 0 1 0 0 0 0 1 0 ] {\displaystyle {\begin{bmatrix}0&1\\1&0\end{bmatrix}}^{\oplus g}={\begin{bmatrix}0&1&0&0&\cdots &0&0\\1&0&0&0&\cdots &0&0\\0&0&0&1&\cdots &0&0\\0&0&1&0&\cdots &0&0\\\vdots &\vdots &\vdots &\vdots &\cdots &\vdots &\vdots \\0&0&0&0&\cdots &0&1\\0&0&0&0&\cdots &1&0\end{bmatrix}}}

la formule de Picard-Lefschetz formula autour d'une dégénérescence de A t 1 {\displaystyle \mathbb {A} _{t}^{1}} se calcule aisément : si γ , δ {\displaystyle \gamma ,\delta } sont les 1 {\displaystyle 1} -cycles du j {\displaystyle j} -ème tore, la formule devient w j ( γ ) = γ δ {\displaystyle w_{j}(\gamma )=\gamma -\delta } si le j {\displaystyle j} -ème tore contient le cycle évanouissant ; sinon, w j ( γ ) {\displaystyle w_{j}(\gamma )} est l'application identité.

Références

  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Picard–Lefschetz theory » (voir la liste des auteurs).
  1. É. Picard et G. Simart, Théorie des fonctions algébriques de deux variables indépendantes. Tome I, Paris: Gauthier-Villars et Fils., (lire en ligne)
  2. S. Lefschetz, L'analysis situs et la géométrie algébrique, Gauthier-Villars, (MR 0033557)
  3. Pierre Deligne et Nicholas Katz, Groupes de monodromie en géométrie algébrique. II, vol. 340, Berlin, New York, Springer-Verlag, coll. « Lecture Notes in Mathematics », (ISBN 978-3-540-06433-6, DOI 10.1007/BFb0060505, MR 0354657)
  4. Cette formule est donnée (implicitement) par Picard dans le cas k = 2, et sans calcul des coeficients de δi (Picard et Simart 1897, p.95) ; le cas général, avec le calcul des coefficients, est traité dans Lefschetz 1924, chapitres II, V.

Bibliographie

  • (en) Klaus Lamotke, « The topology of complex projective varieties after S. Lefschetz », Topology, vol. 20, no 1,‎ , p. 15–51 (ISSN 0040-9383, DOI 10.1016/0040-9383(81)90013-6 Accès libre, MR 592569)
  • (en) Solomon Lefschetz, Applications of algebraic topology. Graphs and networks, the Picard-Lefschetz theory and Feynman integrals, vol. 16, Berlin, New York, Springer-Verlag, coll. « Applied Mathematical Sciences », (ISBN 978-0-387-90137-4, MR 0494126, lire en ligne)
  • (en) Viktor Vassiliev, Applied Picard–Lefschetz theory, vol. 97, Providence, R.I., American Mathematical Society, coll. « Mathematical Surveys and Monographs », (ISBN 978-0-8218-2948-6, DOI 10.1090/surv/097, MR 1930577)
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