Matrice à coefficients positifs

Si ${\displaystyle (A+I)^{k}>0}$ pour ${\displaystyle k\leqslant n-1}$ on a ${\displaystyle (A+I)^{n-1}=(A+I)^{k}(A+I)^{n-1-k}}$. Mais ${\displaystyle (A+I)^{n-1-k}}$ est une matrice positive comportant au moins tous les éléments diagonaux strictement positifs. Il est résulte immédiatement que ${\displaystyle (A+I)^{n-1}>0}$. L'inverse est trivial en prenant ${\displaystyle k=n-1}$.

${\displaystyle (1)~\Rightarrow ~(2)}$ :

Le graphe ${\displaystyle {\mathcal {G}}(A)}$ n'est pas fortement connexe. Il y a donc un couple ${\displaystyle (i,j)}$ de sommets tel qu'il n'existe aucun chemin d'origine ${\displaystyle i}$ et d'extrémité ${\displaystyle j}$. Soient alors ${\displaystyle I}$ l'ensemble des extrémités de tous les chemins d'origine ${\displaystyle i}$ et ${\displaystyle J=\{1,2,...,n\}\smallsetminus I}$. Ces 2 ensembles de sommets vérifient bien la condition demandée.

${\displaystyle (2)~\Rightarrow ~(3)}$ :

${\displaystyle {\mathcal {C}}}$ désignant la base canonique de ${\displaystyle \mathbb {R} ^{n}}$, désignons par ${\displaystyle {\mathcal {C}}'}$ une base obtenue simplement en réordonnant les vecteurs de ${\displaystyle {\mathcal {C}}}$ de manière à placer d'abord les vecteurs indexés par les éléments de ${\displaystyle I}$ et enfin ceux indexés par les éléments de ${\displaystyle J}$. ${\displaystyle S}$ désignant la matrice de passage de ${\displaystyle {\mathcal {C}}}$ à ${\displaystyle {\mathcal {C}}'}$ convient à la demande.

${\displaystyle (3)~\Rightarrow ~(1)}$ :

D'après la remarque ci-dessus ${\displaystyle ({}^{t}SAS)_{u,v}=0~\Leftrightarrow ~A_{\sigma (u),\sigma (v)}=0}$. Désignons par ${\displaystyle U}$ l'ensemble des naturels ${\displaystyle \{1,2,...,p\}}$ où ${\displaystyle p}$ est le format de la matrice ${\displaystyle B}$ et soit ${\displaystyle V=\{1,2,...,n\}\smallsetminus U}$. Posons ${\displaystyle I=\sigma ^{-1}(U)}$ et ${\displaystyle J=\sigma ^{-1}(V)(=\{1,2,...,n\}\smallsetminus I)}$. On a donc ${\displaystyle \forall u\in U~\forall v\in V\quad A_{\sigma (u),\sigma (v)}=0}$ et par conséquent ${\displaystyle \forall i\in I~\forall j\in J\quad A_{i,j}=0}$. Ceci entraîne qu'un sommet du graphe ${\displaystyle {\mathcal {G}}(A)}$ appartenant à ${\displaystyle I}$ ne peut être l'origine d'un chemin dont l'extrémité soit dans ${\displaystyle J}$ et que le graphe ne peut être fortement connexe.

Nous appliquerons le résultat suivant^[3] :

Soient ${\displaystyle M}$ une matrice carrée complexe, ${\displaystyle \Pi (\lambda )=\prod _{i=1}^{s}(\lambda -\lambda _{i})^{p_{i}}}$ son polynôme caractéristique et ${\displaystyle B(\lambda )}$ la comatrice transposée de ${\displaystyle \lambda I-M}$. (Si ${\displaystyle \lambda }$ n'est pas valeur propre de ${\displaystyle M}$, ${\displaystyle B(\lambda )=\Pi (\lambda )\cdot (\lambda I-M)^{-1}}$).

Pour toute valeur propre ${\displaystyle \lambda _{i}}$ on posera ${\displaystyle \Pi _{i}(\lambda )={\frac {\Pi (\lambda )}{(\lambda -\lambda _{i})^{p_{i}}}}}$.

Soit ${\displaystyle f\in \mathbb {C} (\lambda )}$. Alors ${\displaystyle f(M)=\sum _{i=1}^{s}{\frac {1}{(p_{i}-1)!}}\left[{\frac {B(\lambda )}{\Pi _{i}(\lambda )}}f(\lambda )\right]_{\lambda =\lambda _{i}}^{(p_{i}-1)}}$.

Appliquons ceci avec la matrice ${\displaystyle M=A}$ et le polynôme ${\displaystyle f_{m}(\lambda )=\left({\frac {\lambda }{\rho }}\right)^{m}\quad }$ (${\displaystyle \rho }$ est toujours la valeur propre positive maximale de ${\displaystyle A}$ et ${\displaystyle m}$ est un naturel supérieur à l'ordre maximal des valeurs propres (comme racines du polynôme caractéristique de ${\displaystyle A}$)).

Nous pouvons choisir ${\displaystyle \lambda _{1}=\rho }$. Comme ${\displaystyle \rho }$ est valeur propre simple de ${\displaystyle A}$ d'après P.F. on a ${\displaystyle p_{1}=1}$. Le premier terme de la somme est donc égal à ${\displaystyle {\frac {B(\rho )}{\Pi _{1}(\rho )}}}$.

Nous allons maintenant montrer que chacun des ${\displaystyle s-1}$ autres termes tend vers ${\displaystyle 0}$ lorsque ${\displaystyle m\rightarrow +\infty }$. Par la formule de Leibniz le ${\displaystyle i}$-ème terme s'écrit ${\displaystyle {\frac {1}{\rho ^{m}}}{\frac {1}{(p_{i}-1)!}}\sum _{k=0}^{p_{i}-1}{\binom {p_{i}-1}{k}}\left[{\frac {B(\lambda )}{\Pi _{i}(\lambda )}}\right]_{\lambda =\lambda _{i}}^{(k)}m(m-1)...(m-k+1)\lambda _{i}^{m-k}}$. Le terme d'ordre ${\displaystyle k}$ de cette somme (finie) s'écrit ${\displaystyle \alpha ~m(m-1)...(m-k+1)\left({\frac {\lambda _{i}}{\rho }}\right)^{m}}$, ${\displaystyle \alpha }$ étant une constante (indépendante de ${\displaystyle m}$). Mais par hypothèse ${\displaystyle \left|{\frac {\lambda _{i}}{\rho }}\right|<1}$. On en déduit bien que ce terme tend vers ${\displaystyle 0}$.

On a donc ${\displaystyle \lim _{m\rightarrow +\infty }\left({\frac {1}{\rho }}A\right)^{m}={\frac {B(\rho )}{\Pi _{1}(\rho )}}}$.

Mais on montre dans la démonstration de P.F. que ${\displaystyle B(\rho )>0}$. De plus l'égalité classique ${\displaystyle (\lambda I-A)B(\lambda )=\Pi (\lambda )I}$ montre en faisant ${\displaystyle \lambda =\rho }$ que les colonnes de ${\displaystyle B(\rho )}$ sont vecteurs propres de ${\displaystyle A}$ relatifs à ${\displaystyle \rho }$ et donc vecteurs extrémaux.

En travaillant sur la matrice transposée de ${\displaystyle A}$ (qui a le même polynôme caractéristique que ${\displaystyle A}$) on obtient le résultat analogue concernant les lignes de ${\displaystyle A}$.

(1) ${\displaystyle \Rightarrow }$ (2)

On applique le théorème précédent. ${\displaystyle \lim _{m\rightarrow \infty }\left({\frac {1}{\rho }}A\right)^{m}}$ est strictement positive et par suite pour ${\displaystyle m=m_{o}}$ assez grand ${\displaystyle \left({\frac {1}{\rho }}A\right)^{m_{o}}>0}$, ce qui entraîne ${\displaystyle A^{m_{o}}>0}$.

(2) ${\displaystyle \Rightarrow }$ (1)

Remarquons d'abord que ${\displaystyle A}$ est irréductible. En effet ${\displaystyle (A+I)^{m}\geqslant A^{m}>0}$ (par exemple par la formule du binôme).

• Traitons d'abord le cas où ${\displaystyle A}$ est strictement positive.

Soient donc ${\displaystyle \lambda }$ une valeur propre complexe de A de module maximal ${\displaystyle \rho }$ et ${\displaystyle X}$ un vecteur colonne propre associé. ${\displaystyle |X|}$ est vecteur propre de ${\displaystyle A}$ relatif à ${\displaystyle \rho }$ (cf. démonstration du théorème de Perron Frobenius) et est donc strictement positif. Ainsi ${\displaystyle A|X|=\rho |X|=|AX|}$. De ${\displaystyle A|X|=|AX|}$ et ${\displaystyle A>0}$ on déduit que les éléments de ${\displaystyle X}$ ont le même argument ${\displaystyle \alpha }$. Donc ${\displaystyle A|X|e^{i\alpha }=\lambda |X|e^{i\alpha }}$ et en simplifiant par ${\displaystyle e^{i\alpha }}$ on voit que ${\displaystyle \lambda =\rho }$.

• Passons maintenant au cas général.

De ${\displaystyle A^{m}>0}$ on déduit par récurrence (${\displaystyle A}$ irréductible ne peut avoir une colonne nulle) que ${\displaystyle \forall q\geqslant m,~A^{q}>0}$. Soit alors ${\displaystyle \lambda }$ une valeur propre de ${\displaystyle A}$ de module maximal ${\displaystyle \rho }$ et ${\displaystyle X}$ un vecteur propre associé. De ${\displaystyle AX=\lambda X}$ on déduit ${\displaystyle \forall q\geqslant p~A^{q}X=\lambda ^{q}X}$. Mais ${\displaystyle A^{q}}$ étant strictement positive, on déduit de ce qui vient d’être montré que ${\displaystyle \forall q\geqslant p,~\lambda ^{q}=\rho ^{q}}$.

En écrivant que ${\displaystyle \lambda ^{m}=\rho ^{m}}$ et ${\displaystyle \lambda ^{m+1}=\rho ^{m+1}}$ on voit que ${\displaystyle \lambda =\rho }$ et ${\displaystyle A}$ est bien primitive.

• Commençons par remarquer qu'une matrice carrée positive ${\displaystyle A}$ est la limite d'une suite de matrices irréductibles (par exemple si ${\displaystyle U}$ est une matrice strictement positive quelconque on a ${\displaystyle A=\lim _{m\rightarrow +\infty }(A+{\frac {1}{m}}U)}$).

• Si ${\displaystyle A\in {\mathcal {M}}_{n}(\mathbb {R} _{+})~=\lim _{m\rightarrow +\infty }A_{m}}$ l'ensemble des valeurs propres de l'ensemble des ${\displaystyle A_{m}}$ est borné.

Soit en effet le polynôme caractéristique de ${\displaystyle A_{m}:~\Pi _{m}(\lambda )=\lambda ^{n}+b_{m,1}\lambda ^{n-1}+...+b_{m,n}}$. Pour tout ${\displaystyle i\in \{1,2,...,n\}\quad b_{m,i}}$ est un polynôme (à coefficients constants) en les éléments de ${\displaystyle A_{m}}$ et comme l'ensemble de ces éléments est borné à cause de la convergence de la suite ${\displaystyle A_{m}}$ il s'ensuit que l'ensemble des ${\displaystyle b_{m,i}}$ est borné.

Si maintenant ${\displaystyle \mu }$ est une racine complexe non nulle de ${\displaystyle \Pi _{m}}$ on peut écrire ${\displaystyle {}1+b_{m,1}{\frac {1}{\mu }}+...+b_{m,n}{\frac {1}{\mu ^{n}}}=0}$. Si l'ensemble des valeurs propres des ${\displaystyle A_{m}}$ n'était pas borné on aurait une suite ${\displaystyle \mu _{p}}$ de valeurs propres vérifiant ${\displaystyle \lim _{p\rightarrow +\infty }~|\mu _{p}|=+\infty }$. Mais à cause du caractère borné de l'ensemble des ${\displaystyle b_{m,i}}$ le membre de gauche de l'égalité ci-dessus avec ${\displaystyle \mu =\mu _{p}}$ tendrait vers 1, ce qui est clairement contradictoire.

• Soit donc ${\displaystyle A_{m}}$ une suite de matrices irréductibles tendant vers ${\displaystyle A}$. Pour chaque valeur de ${\displaystyle m}$ soit ${\displaystyle \rho _{m}}$ la valeur propre positive maximale de ${\displaystyle A_{m}}$.
  et ${\displaystyle X_{m}}$ un vecteur propre associé strictement positif (cf. P.F) qu'on peut choisir normé.

Ordonnons alors pour tout ${\displaystyle m}$ les valeurs propres (complexes) ${\displaystyle \lambda _{m,1},...,\lambda _{m,n}}$ de ${\displaystyle A_{m}}$ dans l’ordre décroissant des modules en plaçant ${\displaystyle \rho _{m}}$ en première position : ${\displaystyle \lambda _{m,1}=\rho _{m}}$. L’ensemble des valeurs propres étant borné, on peut extraire de la suite des listes ordonnées ci-dessus une suite encore indexée par ${\displaystyle m}$ (par abus de langage) telle que ${\displaystyle \forall i\in \{1,2,...,n\}~\lambda _{m,i}\rightarrow \lambda _{i}}$ (en particulier ${\displaystyle \lambda _{m,1}=\rho _{m}\rightarrow \lambda _{1}=\rho }$).

Comme ${\displaystyle \rho _{m}>0}$ il s’ensuit que ${\displaystyle \rho \geqslant 0}$.
Comme ${\displaystyle \forall i\in \{1,,...,n\}\quad |\lambda _{m,i}|\leqslant \rho _{m}\qquad \forall i\in \{1,,...,n\}\quad |\lambda _{i}|\leqslant \rho }$.

${\displaystyle \forall \lambda \in \mathbb {C} \quad \mathrm {det} (\lambda I-A_{m})\rightarrow \mathrm {det} (\lambda I-A)}$ (continuité du déterminant).

Or ${\displaystyle \mathrm {det} (\lambda I-A_{m})=\prod _{i=1}^{n}(\lambda -\lambda _{m,i})\;\rightarrow \;\prod _{i=1}^{n}(\lambda -\lambda _{i})}$. Ceci montre que le polynôme caractéristique de ${\displaystyle A}$ est ${\displaystyle \Pi _{i=1}^{n}(\lambda -\lambda _{i})}$ et donc que les valeurs propres de ${\displaystyle A}$ sont exactement les ${\displaystyle \lambda _{i}}$.

Comme pour tout ${\displaystyle m}$ le vecteur ${\displaystyle X_{m}}$ est normé on peut à nouveau de la suite déjà extraite précédemment extraire une suite que nous indexerons encore par ${\displaystyle m}$ par abus de langage de façon que ${\displaystyle X_{m}}$ converge vers un vecteur ${\displaystyle X}$ non nul (en fait normé).

On a évidemment ${\displaystyle X\geqslant 0}$ et ${\displaystyle AX=\rho X}$ par passage à la limite de ${\displaystyle X_{m}\geqslant 0}$ et ${\displaystyle A_{m}X_{m}=\rho _{m}X_{m}}$.

Enfin pour chaque ${\displaystyle m\quad \rho _{m}}$ est compris entre le minimum et le maximum des sommes des lignes de ${\displaystyle A_{m}}$. Par passage à la limite on obtient l'encadrement annoncé sur ${\displaystyle \rho }$.